La muselière : bonne idée ou instrument de torture ?

Au fil de mes consultations en éducation canine, j’ai remarqué que le port de la muselière pour nos chiens est un sujet… épineux. Au début, la réaction à laquelle je m’attendais lorsque j’en parlais étais celle de surprise : « Mon chien ?! Une muselière ?! C’est un peu extrême non ?! ». Je dois vous avouer que, même si j’ai entendu cette phrase quelques fois, ce n’est pas la plus fréquente.Un peu de contexte : je fais beaucoup d’intervention en comportement canin à Montréal, où la plupart des demandes concernent la réactivité des chiens. Que ce soit face à d’autres chiens, face aux inconnus, ou même aux vélos, c’est une problématique très présente en ville (car il y a beaucoup de chiens, et beaucoup de déclencheurs). Il arrive donc que je recommande le port de la muselière dans certains contextes. Mais à ma grande surprise, les deux réactions les plus fréquentes sont en fait :
- « Ah oui vous pensez que ce serait bien de lui mettre une muselière ? On y avait pensé mais on n’osait pas vraiment, car on se sentait mal pour notre chien ! »
et
- « On a déjà essayé mais il déteste ça, on ne peut pas lui laisser ! »
Savez-vous ce que ça me dit ? Que la muselière est un outil beaucoup moins tabou que ce que je pensais, mais complètement incompris ou mal utilisé ! Ça me dit aussi que mes clients ont à cœur le bien-être et le confort de leur chien, et ça, ça réchauffe le cœur. Mais revenons à nos moutons : la grande surprise du jour et la raison d’être de cet article.
La muselière peut (et devrait) être entraînée afin que le chien soit complètement confortable en la portant !
Quand on y pense, c’est un peu évident, non ? Juste en l’attachant sur le nez d’un chien, il y a très peu de chances qu’il s’y habitude juste comme ça ! Je donne souvent l’image d’un humain avec les deux mains attachées ensemble. Techniquement, cette personne peut encore boire son verre d’eau ou ouvrir une porte. Mais que ça doit être inconfortable, effrayant, intrusif, frustrant et globalement dérangeant ! C’est pourquoi la muselière devrait toujours être introduite en suivant un protocole progressif, afin que le chien apprenne à la porter sans ces effets négatifs.
Est-ce que mon chien en a besoin ?
D’abord, la muselière ça s’adresse à qui ? Voici une petite liste des situations les plus communes où elle peut être utile :
- Le chien réagit lors de ses promenades à certaines choses qui ne peuvent pas toujours être évitées. Par exemple, si le chien réagit aux personnes inconnue : même en prenant de la distance dès qu’on voit une personne, il peut arriver qu’on se fasse surprendre à un coin de rue ! Dans cette situation, la muselière pourra éviter un accident. Attention, elle ne constitue pas un entraînement pour le problème du chien, simplement une mesure de sécurité.
- Le chien est arrivé dans son protocole aux étapes où il passe proche de ses déclencheurs. Ce stade peut faire très peur, car mon entraîneur me dit que mon chien, qui réagissait très fort il y a quelques mois, est rendu à essayer de croiser son déclencheur sur le même trottoir ! Dans ces situations, beaucoup de familles sont plus à l’aise de pousser l’entraînement et « sortir de leur zone de confort » avec cette barrière de sécurité.
- Le chien va beaucoup voyager. C’est tout bête, mais de nombreux endroits publics acceptent les chiens à la condition qu’ils soient muselés (par exemple pour prendre le train en France avec un chien de taille moyenne/grande).
- Le chien n’est pas à l’aise avec les manipulations, et on débute un protocole pour y travailler. Bien sur, tout sera mis en place pour stresser le chien le moins possible. Mais pour une famille qui serait moins à l’aise, ou pour un chien qui a déjà mordu ou fortement averti dans ce contexte, c’est une belle mesure de prévention à mettre en place. Attention encore une fois, cela ne constitue pas un entraînement : on ne doit surtout pas considérer qu’on peut manipuler le chien comme on le veut car « de toutes façons il ne peut plus mordre » ! Cette stratégie irait aggraver la situation, et défaire l’entraînement de la muselière à une vitesse fulgurante !
- Le chien n’est pas à l’aise au vétérinaire. Que ce soit l’endroit, le personnel inconnu, ou la portion de manipulation qui le stresse, un chien peut avoir très peur de cette situation. Il sera donc conseillé de l’entraîner à la muselière, car il risque de devoir la porter de toutes façons sur recommandation de l’équipe médicale. Autant mettre toutes les chances de notre côté en l’entraînant et l’équipant au préalable, pour ne pas ajouter au stress du chien en lui attachant les mains ensembles pendant qu’il stresse (vous me suivez ? Sinon, retour à l’introduction pour vous !).
- Le chien mange compulsivement tout ce qu’il peut trouver (comestible ou non) par terre lors de ses promenades. Ce problème est plus commun qu’on le croit, et peut être très dangereux ! Ajoutez un bonus si le chien fait de la protection de ressources sur ce qu’il a dans la bouche ! La muselière pourra être conseillée en parallèle avec un protocole pour apprendre au chien à ne pas ramasser les choses, et à les donner sur demande sans avoir peur. De cette façon, aucun accident ne pourra survenir pendant les quelques semaines que ça prendra à avoir un entraînement solide et fiable.
- Le chien est laissé sans laisse, ou avec une laisse plus longue, et on n’est pas sûr des réactions qu’il aura. Par exemple, la première fois qu’un grand chien joue avec un chien de petite race. Ou bien, la première fois qu’un chien « qui a sa bulle » fait une course de canicross, et se fait dépasser. Encore une fois, la muselière permet à la famille de sortir plus facilement de sa zone de confort et d’essayer de nouvelles choses, car ils ont une mesure de sécurité pour « le pire des cas ».
- Finalement, je la recommande pour n’importe quelle famille qui adopte un chien adulte qu’ils ne connaissent pas. De cette façon, ils auront un première entraînement fun et facile à faire avec leur nouveau compagnon, et surtout une ligne de sécurité pour faire tous les tests d’activités dont ils auraient envie ! Pas sûrs pour le parc à chien ? Pas sûrs pour les griffes ? Pas sûrs du comportement envers le chat ? En plus des mesures normales (la laisse, une introduction progressive, etc), la muselière est le filet de sécurité des « premières fois ». Ainsi, on aura beaucoup plus d’aisance à essayer de nouvelles choses !
Quel modèle choisir ?
On choisit sa muselière en fonction de son utilisation. Pour la plupart des gens, je recommande une muselière panier simple mais solide, comme la Baskerville Ultra. Elle permet de nourrir le chien au travers des tiges, donc de l’entraîner même lorsqu’il la porte. Le chien pourra aussi ramasser de la nourriture au sol, avec un peu de pratique, et boire de l’eau. C’est donc le type de modèle le plus pratique pour presque tout le monde. Il existera tout de même des exceptions :
- Un chien qui avale les petits objets (style gravier) aura besoin d’une muselière panier mais qui ne lui permet pas de manger ce qu’il ramasse au sol !
- Un chien brachycéphal (dont la face est applatie) aura besoin d’une muselière adaptée à sa forme de crâne.
- Certaines équipes vétérinaires auront une préférence pour les muselières en nylon. Si c’est le cas, et que c’est le seul usage que votre chien fera de sa muselière, autant entraîner celle en nylon.
- Pour les chiens de petite race, il faudra parfois trouver des modèles ou des compagnies spécialisées. Mais soyez assurés qu’elles existent, et que les petits chiens aussi peuvent avoir besoin de muselière.
De façon générale, la taille et le modèle vont varier selon la forme de museau du chien. Il faudra donc parfois faire quelques essais avant de trouver LA bonne muselière confortable pour votre chien. Pensez à essayer plusieurs tailles, et n’hésitez pas à changer de marque si vous ne trouvez pas votre bonheur.Enfin, une petite astuce : certaines muselières sont faites dans un matériaux qui permet de les remodeler si elle n’est pas exactement à la forme voulue. Par exemple, dans le cas de la Baskerville Ultra, le fabriquant recommande de la tremper dans l’eau chaude pendant 5 minutes puis d’appliquer des pressions pour changer la forme. Une fois à la forme désirée, on la trempe dans l’eau froide pour la « fixer », et voilà !
Alors au final, comment on s’y prend ?
C’est la question à 10000$ ! Heureusement, nous vous avons concocté un protocole expliqué en vidéo pour vous aider, gratuitement : c’est par ici !